ADN – Quand les costumes prennent de la hauteur

CREATION 2025

Un spectacle, quatorze corps, un défi textile, vivez les coulisses d’une création textile suspendue

Dans ADN – Odyssée Verticale, les corps dansent, jouent, voltigent à plus de 40 mètres du sol. Ici, le costume n’est pas un simple accessoire visuel : il devient un outil de mouvement, de sécurité, de narration. Suspendu à une grue de 200 tonnes, ce spectacle monumental mêle cirque, musique et lumière dans une scénographie céleste – où chaque élément, jusqu’au moindre fil, doit participer à cette poésie en apesanteur.

Derrière cette dimension textile, un duo de création : Arnaud Jarsaillon, designer à l’origine des croquis et de l’univers visuel, et Clothilde Laude, costumière de terrain, garante de la transformation des idées en vêtements concrets, portés et vivants. Elle nous ouvre les portes de ce processus exigeant, entre contraintes techniques, improvisations de dernière minute et recherche d’harmonie visuelle.
 
Réajuster la vision à l’échelle du ciel
 
Comme souvent en création, les intentions initiales ont dû évoluer au fil des résidences. À la suite des premiers essais en conditions réelles, la découverte de la structure grandeur nature a tout remis en question. « On a pris conscience de la hauteur réelle de la structure. Ce qu’on avait imaginé en maquette ne fonctionnait pas à 40 mètres de haut, de nuit. Il a fallu tout réadapter, repenser les formes, la lisibilité, l’impact visuel à distance. »
 
Cette prise de recul a permis de repartir sur des bases plus solides, en intégrant l’espace scénique comme un élément déterminant du costume. Résultat : des formes plus expressives, des textures plus visibles, une recherche de lisibilité dans l’obscurité, sans jamais sacrifier la liberté de mouvement.
 
Esthétique vs technique : un équilibre permanent
 
Créer des costumes pour un spectacle aérien exige de jongler avec des exigences physiques très précises. Chaque corps a ses contraintes :
•Les acrobates ont besoin de matériaux élastiques, respirants, résistants, qui accompagnent les gestes sans entraver la sécurité.
•Les machinistes doivent être libres de leurs mouvements, sans que leur vêtement ne gêne la manipulation d’éléments techniques.
•Les musiciens et chanteurs, sonorisés, doivent porter des boîtiers, des micros et des câbles, souvent dissimulés ou fixés au costume.
 
Clothilde décrit ce travail comme une série d’ajustements subtils entre liberté, durabilité et esthétique. « Le costume doit raconter quelque chose, mais il doit aussi remplir ses fonctions : ne pas gêner, ne pas se détériorer, être confortable et sécurisé. »
 
De la maquette au prototype : une fabrication sur-mesure… ou presque
 
Tout commence par des croquis réalisés par le designer. Clothilde les reçoit, les décrypte, puis engage un dialogue entre intention artistique et faisabilité technique. Une première étape de recherche permet de définir les matériaux, les volumes, les couleurs, et d’anticiper les adaptations nécessaires.
 
Vient ensuite la création des toiles, sortes de patrons en tissu neutre, qui servent à tester la coupe, les proportions, le confort. « Avant de couper dans les vrais tissus, on doit vérifier que ça fonctionne dans le réel. On regarde comment ça tombe, si le mouvement est fluide, si les contraintes sont respectées. »
 
Certains costumes, notamment ceux des acrobates, frôlent le sur-mesure, tant les contraintes physiques sont spécifiques. Mais pour la majorité des artistes (jusqu’à 14 personnes sur scène, parfois remplacées en tournée), une approche en série est privilégiée, avec une gradation par taille. Cela permet d’assurer une continuité des rôles tout au long des représentations, sans refaire un costume à chaque changement de distribution.
 
Coiffes, textures et effets de crinière : l’art de l’expérimentation
 
ADN ne serait pas ADN sans ses détails visuels audacieux. Parmi eux, les coiffes dynamiques – véritables sculptures textiles conçues pour se déployer, vibrer ou flotter dans les airs. Là encore, la costumière a dû sortir des sentiers battus, en inventant des formes nouvelles, en détournant des matériaux, en testant des assemblages inédits.
 
Ces coiffes de scène s’intègrent dans une recherche plus large : comment faire vivre un costume dans l’espace aérien ? Comment créer une silhouette lisible à 40 mètres de haut, dans la pénombre, en mouvement constant ? Le moindre détail, la moindre fibre est pensé pour faire sens, pour créer du lien entre le geste, la matière et la lumière.
 
Une garde-robe conçue pour durer
 
Contrairement à une création unique pour un seul soir, les costumes d’ADN doivent vivre, voyager, être transmis et lavés, parfois dans des conditions précaires. Ils doivent résister à l’humidité, à la sueur, aux manipulations répétées, aux remplacements d’interprètes.
 
Cela implique un travail de finition très soigné, une modularité dans la conception et un choix rigoureux des matières. Les éléments sont pensés pour pouvoir être ajustés, réparés, remplacés, parfois même sans intervention directe. Un vrai défi logistique, mais aussi une manière d’ancrer le costume dans la réalité d’une troupe en tournée.
 
Une réception positive, un souffle de nouveauté
 
Si les artistes n’ont pas encore tous essayé leur costume complet au moment de l’interview, les premières réactions sont encourageantes. Le changement esthétique est visible, et c’est justement ce que recherchait l’équipe. « On sort un peu des codes visuels habituels de Transe Express. Il y a un vrai renouveau, et je crois que les artistes sont contents de porter quelque chose qui les surprend aussi. »
 
Le costume devient ici un élément narratif, mais aussi un révélateur d’émotions. Il attire, habille, protège, mais surtout amplifie la présence scénique, en harmonie avec la lumière, le son, le mouvement.
 
Créer du vivant pour du vivant
 
À travers ADN, Clothilde rappelle que le costume est bien plus qu’un habit de scène. C’est un espace technique, un outil de jeu, une peau scénographique. Il répond à des besoins multiples, parfois contradictoires, entre l’image rêvée et la réalité du corps en mouvement.
 
Dans ce spectacle suspendu, chaque fil, chaque couture, chaque choix de matière devient un acte de traduction, une manière de faire exister le corps dans l’espace, de rendre visible ce qui flotte, ce qui vibre, ce qui élève.
 
ADN, c’est aussi cela, une poésie textile au service d’un vertige partagé.

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